Voici donc ma participation aux 24 heures de la nouvelle, session 2017 ! Merci encore à l’équipe pour avoir organisé ça, et bravo à tou.te.s les participant.e.s !

Dans un contexte de science-fiction en mode “station orbitale qui part en cacahuète”, je vous présente “Le vol du Beluga”, et je vous propose d’aller la lire sur le site de l’évènement, comme ça vous pourrez ensuite lire d’autres nouvelles si le cœur vous en dit :
http://24hdelanouvelle.org/2017/04/le-vol-du-beluga-par-enkidoux/

Pour le cas où le site ne serait pas accessible, ou si vous aimez le confort douillet de ce blog (et mon choix distingué de polices de caractères), en voici une copie ici :


L’explosion ébranla la station assez fort pour mettre à genoux une bonne partie des deux mille trois cent huit visiteurs de l’exposition, sans parler des cent cinquante quatre membres d’équipage, peu habitués à ce genre de secousse. La bombe, habilement placée en un point névralgique du bâtiment orbital, avait atteint son but et endommagé de manière irrémédiable les systèmes de stabilisation et de maintien d’orbite basse. Cela prendrait des jours, mais on pouvait en être certain : la station s’écraserait bientôt sur terre.

Silas et son équipe, dont l’identité n’avait toujours pas été compromise, tâchèrent de s’éloigner le plus discrètement possible du lieu de l’explosion. Se rapprochant du module d’évacuation principal, ils se tinrent prêts à partir parmi les premières personnes à être évacuées dans des navettes de secours. Selon leurs estimations, toute l’assistance civile venue visiter cette première exposition internationale spatiale pourrait être évacuée. Certains des saboteurs avaient proposé de ne partir qu’après l’essentiel de la population partie, mais ce plan fut rejeté car il laissait trop de temps à la sécurité de s’organiser et de remonter le fil de l’opération jusqu’à identifier les coupables. On opta donc pour le plan le plus simple : partir au plus vite.

Rapidement, l’alarme de niveau un se transforma en alarme de niveau trois, et une équipe d’employés de la station mit en place un début d’évacuation générale. Silas fit un signe de tête à son équipe, les enjoignant ainsi à trouver une place dans les files d’attente. Le groupe pressa alors le pas, lorsque Saroa s’arrêta net tout en agrippant l’un de ses collègues par l’épaule. D’un hochement de tête, elle lui montra un écran placé sur leur droite. On y voyait des images de leur sabotage, zoomées ici et là dans l’espoir d’y reconnaître des visages. C’était parfois bel et bien compromettant, et de toute façon les différentes morphologies et démarches pouvaient permettre à des agents de sécurité compétents de faire le lien. Si, sur le moindre doute, l’un de ces agents passait à un scan approfondit de la puce d’identification d’un saboteur, on pouvait tout à fait envisager que la fausse identité achetée pour l’occasion ne tiendrait pas le test.

Saroa prévint Silas, qui arrêta le groupe. Quelques mots furent échangés, mais bien vite Silas remarqua que des agents de sûreté avaient remarqué quelque chose d’étrange dans le comportement de ce groupe pas si inquiet, ou du moins pas inquiet de la façon attendue chez des personnes civiles sur le point de vivre la chute la plus impressionnante et létale de leur vie.

Les saboteurs se donnèrent rendez-vous dans la salle d’exposition numéro quatre puis se séparèrent. Miser sur la surcharge de travail des employés restait désormais leur unique espoir : si une équipe était placée à leurs trousses, il auraient bien du mal à s’en dépêtrer.

Silas s’arrangea pour arriver dernier au point de rendez-vous et s’assura que tout le monde était arrivé. Cette salle d’exposition abritait des vestiges de l’aventure aérospatiale, et c’est ici qu’ils avaient réussi à récupérer les explosifs qu’une autre équipe avant eux avait dissimulé dans la carlingue d’un vieux module lunaire. Quelques personnes passaient encore par là pour rejoindre les lieux d’évacuation, mais globalement toute activité avait cessé. Les caméras pointées sur ce groupe permettraient rapidement aux employés de se douter de quelque chose… Heureusement, Silas semblait savoir quoi faire.

— Surya, il nous reste bien une deuxième série de charges explosives ?
— Les charges de secours, oui, qu’on n’a pas eu besoin de prendre et qui sont toujours dans le module.
— Récupère ça. Nous ne pourrons pas nous échapper avec les civils, et il nous faut passer au plan B.
— On n’avait pas parlé de plan B.
— J’espérais pouvoir m’en passer.

Silas prononça ces mots en pointant du doigt un engin placé derrière le groupe. Les quatre collègues saboteurs se retournèrent et pâlirent devant la perspective qui leur était proposée. Leur chef proposait de s’échapper à bord d’un planeur spatial datant des années 2040. Saroa n’en revenait pas…

— Un Beluga PT-34, vraiment ?
— Oui. Il ne nécessite quasiment pas de carburant et ses réservoirs ont été en partie remplis pour l’expo afin de réaliser de courtes démos concernant ses propulseurs. Il était même possible de visiter l’intérieur, et des combinaisons d’époque sont disponibles. Les réserves d’oxygène sont factices, mais il nous suffira de récupérer les bouteilles de secours disséminées un peu partout dans la station. Avec tout ça, nous pourrons rejoindre l’atmosphère et planer jusqu’à un endroit sûr.
— Mais pour sortir de ce hall ?
— L’explosif qui nous reste peut être réparti sur ces parois fragiles afin de réaliser un grand trou assez large pour laisser passer le planeur. Ensuite, il reste à espérer que les propulseurs seront assez puissants pour nous dégager. L’appel d’air aidera un peu, mais il sera très court puisque les systèmes de sécurité vont immédiatement sceller le hall. A vrai dire, il serait même bon d’aller fermer nous-même les portes immédiatement afin de ralentir les équipes de sécurité. Je n’ai pas mieux à vous proposer, j’en suis désolé. Allons-y.

En quelques mots et gestes, Silas répartit ensuite les tâches plus précisément, et bien vite l’équipe se retrouva près d’un planeur fonctionnel. Chaque membre portait une combinaison qui permettrait de respirer plus de deux heures. Les explosifs étaient en place pour créer une sortie et… les sas menant au hall se trouvaient scellés. Concernant ce dernier point, on pouvait tout de même déjà constater qu’une équipe de sûreté au moins tentait de faire sauter l’une des portes, dans l’espoir sans doute de faire ensuite sauter la tête des saboteurs. Qui plus est, les dégâts sur la station se faisaient de plus en plus sentir et elle commençait à tourner sur elle-même de plus en plus vite. Après une rapide vérification de tous les éléments à envisager, on procéda donc à l’entrée dans le Beluga.

Une fois tout le monde installé, Silas demanda l’action des explosifs. Saroa appuya sur sa commande à distance et la détonation s’enclencha immédiatement, projetant des milliers de débris vers l’extérieur de la station. Plusieurs engins exposés furent happés aussi. Le planeur profita de même d’une légère poussée, dont l’équipe tenta de profiter en actionnant les propulseurs au maximum. Ces derniers se montrèrent bien peu puissants. Après tout, le Beluga n’était pas fait pour s’envoler sans aide extérieure. Mais la poussée fut suffisante pour entamer la course vers la sortie. Il n’y avait que quelques mètres à parcourir avant de rejoindre la liberté et la haute atmosphère.

Un bruit effrayant se fit entendre, accompagné d’une secousse et d’une légère déviation dans la trajectoire : l’aile gauche venait de toucher la paroi de la station au moment où le cockpit se trouvait enfin dehors. Deux autres secousses moins fortes suivirent, sans qu’il soit facile d’en déterminer la cause. Sans doute des débris volants qui venaient de heurter la carlingue du planeur. Les commandes répondaient toujours. Rien de très grave, à priori.

Évacuation réussie ! Il restait à atteindre la terre ferme, mais sortir de la station en perdition relevait déjà de l’exploit. Silas félicita son équipe et orienta le planeur de sorte à rejoindre une trajectoire de retour sûre. Le Beluga passa tout près des navettes de secours de la station, et les équipages des différents engins purent même se faire quelques signes plus ou moins polis à travers les cockpits. Le planeur proposait toutefois un petit avantage sympathique : il disposait de quelques hublots latéraux. Saroa profitait de cette vue du côté tribord, d’où elle voyait la majestueuse planète terre qu’elle comptait bien fouler à nouveau bientôt.

Elle sursauta et recula d’effroi en voyant soudainement un visage apparaître au hublot ! Un homme en combinaison de la station se tenait là, à moins d’un mètre d’elle, à travers la fragile carlingue du planeur.

— Qu’est ce que bordel de cul de merde ? CHEF ! ON A UN… ON A…

Les autres se ruèrent auprès de Saroa et observèrent avec elle le même spectacle terrifiant. Ce fou, ce dingue avait probablement sauté sur le Beluga au moment où ce dernier s’extirpait de la station, et venait d’atteindre leur aile tribord. Pas simplement pour leur faire coucou, bien sûr. Il prit quelques secondes pour leur montrer une mine télécommandée qu’il plaça ensuite facilement sur l’aile de l’appareil. Il prit ensuite quelques secondes supplémentaires pour effectuer un lent bras d’honneur en direction de ses spectateurs paralysés. Il se décolla enfin du planeur pour se diriger avec ses petits propulseurs personnels vers la station. Y arriverait-il ? Et si oui, lui resterait-il ensuite une navette pour rejoindre la terre sain et sauf ? Rien n’était moins sûr, mais pour Silas et son équipe ces conjectures n’avaient guère d’importance.

Dans l’esprit de Silas, jusque là habitué à trouver solution devant tout problème, une lourde sentence prenait chaque seconde plus de place dans le chaos cognitif qui l’étreignait : cette bombe allait sauter, et il ne pourrait rien y faire.

Il avait au moins raison une fois de plus.
Il ne put rien y faire : la bombe sauta.

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