Plan serré sur une femme qui cache son visage avec sa main (réalisé avec Midjourney version 5).

Bon, maintenant que des ordinateurs sont sur le point de faire des tas de choses mieux que nous, on fait quoi ?

Je ne vais pas écrire ici pour me plaindre. Les gens qui peignent ou dessinent ont déjà fait assez de buzz sur Twitter sur ces sujets (et je ne leur jette pas la pierre, les effets concrets des Midjourney, DALL-E et autres Stable Diffusion sont bien là). On entend moins l’agonie des traducteurs et traductrices, tout comme on entendra probablement assez peu celle des gens qui font métier d’auteur, de scénariste, etc. Encore que, même si les images ont bénéficié d’une viralité liée à ce medium, les évolutions rapides de ChatGPT ont de même suscité pas mal de captures d’écran impressionnées ou amusées. On se rend bien compte tout de même que là où une personne écrivait X pages en un mois auparavant, ce X risque d’être multiplié dans un avenir proche (enfin, dès à présent en ce qui concerne au moins le copywriting et autres machins à base de mots). Donc potentiellement plus de taf pour quelques personnes, et moins pour d’autres.

Ben, les IA, ça change quoi ?

Déjà, des éditeurs voient affluer des manuscrits en grand nombre, sans pouvoir les traiter correctement. Bien sûr, les plateformes pratiques pour les full indé, comme Amazon KDP, voient aussi débarquer de nombreuses créations assistées par des IA.

Pour l’instant, ma foi, ça augmente surtout le nombre de créations de niveau moyen, ça augmente le bruit général et rend plus difficile le fait de dénicher la perle rare. Mais parfois (et surtout pour le côté graphique à ce stade), il y a de véritables belles choses qui sont générées ainsi.

Donc, même si à l’échelle de nos société, il me semble vital de réfléchir aux aspects économiques de tout ceci, et à l’impact sur l’emploi, ici je vais plutôt m’intéresser à notre perception du beau, et au plaisir de créer.

C’est beau, c’est moyen, c’est nul ?

Je me rends compte que déjà, en voyant certaines belles images sur Twitter, je me demande parfois si c’est fait par un humain ou une IA. Et si on dit souvent que Midjourney génère un type d’image très reconnaissable… c’est de moins en moins vrai, et puis certains artistes humains produisent encore cette esthétique (dont les IA se sont alimentés) et dans ces cas-là le doute peut durer jusqu’à ce qu’une recherche de contexte sur le profil Twitter nous renseigne sur qui a fait quoi et comment. Donc, ça devient indiscernable dans bien des cas, sauf que les IA peuvent pondre en quelques secondes des variations folles qu’un humain ne saurait prendre le temps de tester (mélanger des films et animes qui n’ont rien à voir, et les transposer à différentes époques, etc.). S’en suit une débauche d’images générées en grand nombre et parfois magnifiques, touchant qui plus est autant au dessin qu’à la peinture ou à la photo (avec Midjourney 5 les résultats photoréalistes sont très convaincants).

Quatre images de mains obtenues via Midjourney, qui était connu pour rajouter beaucoup de doigts. En cette version 5, c'est mieux, même si certaines mains sont encore un peu étranges.
(les mains ont progressé avec Midjourney 5, même si la perfection n’est pas encore là)

J’arrive encore à m’émerveiller devant certaines productions, qu’elles soient humaines ou artificielles. Mais comment ressentirai-je tout ça dans 5 ans ? 10 ans ? 2 ans, en fait ?

Je n’ai pas la réponse, mais c’est un point rarement évoqué et celui qui m’interroge le plus. D’autant que bientôt on aura des Midjourney et des ChatGPT qui vont nous sortir des vidéos et de la musique. Faire des films convaincants prendra peut-être un peu plus de temps, mais la musique ne va-t-elle pas être aussi bien copiée que les images et le texte ?

Qu’est-ce qui sera beau ou fade dans quelques années ?

Est-ce que seul un retour vers les expositions physiques permettront aux artistes de susciter l’émerveillement ? Une multiplication des galeries, des spectacles vivants, des concerts ?

En attendant, je me pose tout de même de plus en plus la question, d’une part de l’intérêt futur de ce que je pourrai proposer, et d’autre part de la place que ces trucs (textuels ou audiovisuels) pourraient trouver dans un contexte de plus en plus surchargé par des productions de masse. Je pars cette année dans une sensation de vivre un sprint final, une dernière course contre la montre. Écrire des bidules avant que, avant que… avant que quoi ?

Trouver du plaisir à créer

Car il reste, il me semble, à (re)trouver du sens dans ce que l’on crée. Après, tout, une fois que des IA ont battu les champions du monde aux échecs, on a continué collectivement à y jouer. Certains ont arrêté, tout de même. Mais ce jeu reste très populaire, et les humains s’affrontent dessus, en utilisant les ordinateurs comme outils pour trouver analyser leurs parties, et parfois trouver de nouveaux coups originaux.

Mais créer un texte, un dessin, une chanson… c’est tout de même un peu autre chose. Si l’on peut avoir des motivations et des objectifs bien différents d’une personne à une autre, il me semble tout de même qu’on cherche en général à fabriquer quelque chose qui va parler à d’autres humains. Soit pour les émerveiller, soit pour les impressionner, soit pour les faire rire, sourire… soit, dans le cas d’une œuvre purement cathartique, pour provoquer leur empathie, ou même les faire souffrir.

Un court de tennis chelou, avec dessus : un cosmonaute (qui tient plus ou moins une raquette de ping-pong) et un chat.
Prompt utilisé : Cat wearing a cosmonaut suit, playing tennis with Emmanuel Macron, on a court made of chess squares –v 5 –ar 4:3 (ok, ok, on a encore un peu de marge avant l’outil parfait).

Si dans quelques années des IA produisent à longueur de journée des œuvres plus belles, plus cohérentes (ou plus incohérentes, au choix des prompt engineers), plus ancrées dans des expériences vécues par des tas de personnes malades de ceci ou traumatisées par cela. Des musiques qui feront danser ou pleurer, des images qui feront imaginer des univers qu’on n’avait encore pas imaginé (après tout, l’imagination c’est le mélange d’influences, me semble-t-il). Vers quoi allons-nous nous tourner ? Il y aura quelque chose, je me demande simplement quoi. Peut-être, comme les joueurs d’échecs, feront nous toujours comme avant, en admettant simplement que nous ne pouvons nous démener qu’entre nous, et que les machines resteront insurpassables. De là, un label bio 100% HUMAN MADE pour les créations qu’on fait dans notre coin. Peut-être que nous chercherons d’autres formes de création, plus sales, plus déconnectées, plus charnelles, bestiales, destructrices. Ou peut-être nous réfugierons-nous dans des concepts spirituels misant sur une âme à jamais interdite aux machines. Nous sommes des milliards, il y aura sans doute un peu de tout ça, et bien plus encore. Je me demande quoi, et je n’ose pas trop demander à ChatGPT ce qu’iel en pense, iel pourrait avoir raison.

Bonjour chez vous,
Enkidoux

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